Devons-nous aborder l’art-thérapie sous forme d’ateliers ? Ou bien de séances ?
Par le biais de cet article, je vais tenter d’éclairer les deux terminaisons et expliquer pourquoi il serait préférable d’utiliser l’un plutôt que l’autre.
Il est fréquent d’entendre parler d’art-thérapie sous le terme d’ateliers. Le plus souvent, ces « ateliers » d’art-thérapie ont lieu en institutions afin d’offrir un espace de créativité aux sujets qui le souhaitent.
Au fond, qu’est-ce que l’art-thérapie ?
« L’art-thérapie est une méthode de soin qui consiste à créer les conditions favorables et dépasser ses difficultés par le biais d’une stimulation des capacités créatrices » (Jean-Pierre Royol, Dr en psychologie et psychopathologie clinique, ancien Directeur de Profac).
Autrement dit :
C’est trouver des solutions par soi-même aux difficultés que l’on rencontre par le biais du processus créatif et du processus de symbolisation. C’est considérer l’art comme l’expression visuelle, kinesthésique ou auditive de son soi le plus profond.
Aujourd’hui, l’art-thérapie est présente en institutions psychiatriques publiques et privées, centres médico-psychologiques, foyers d’accueil, services hospitaliers spécialisés, dispositifs de réinsertion en milieu éducatif, associations, cabinets privés, etc… Autant d’endroits différents où la clinique de l’art-thérapie a trouvé sa place.
Rappelons que l’art-thérapie est une discipline à part entière. Elle est enseignée à la faculté avec notamment des masters en art-thérapie, mais également auprès d’écoles ou d’instituts privés avec une inscription au Registre Nationale des Certifications Professionnelles, donc validée par les ministères de la santé et du travail.
Il existe d’ailleurs une fiche métier art-thérapeute, classifiée et reconnue dans les métiers de la psychologie (Fiche ROME K1104*)
Pôle emploi consacre un article spécifique : Art-thérapie, quand l'art est au service du soin.
Dans cette tribune, en plus de relater les bienfaits de l'art-thérapie, Pôle Emploi fait mention d'un rapport de novembre 2019, où l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît elle-même qu’à travers plus de 900 études, l’art-thérapie a pu démontrer ses capacités à avoir toute sa place dans la médecine complémentaire. L’art aurait bel et bien des effets positifs sur la santé dans un cadre art-thérapeutique sur le plan de la santé mentale comme de la santé physique.
Aussi l’art-thérapie demande une formation solide permettant d’accompagner différents publics afin d’offrir un espace contenant et structurant. Les formations privées sont souvent d’une durée de 4 ans, avec des passerelles possibles en fonction de ses bagages universitaires ou bien en spécialité master, au sein de la faculté dans le cursus psychologie.
Maintenant, intéressons-nous de plus près au mot atelier :
Le Larousse donne la définition suivante :
1. Local où travaille manuellement quelqu'un pour son métier artisanal ou pour son plaisir : Atelier de couturière.
2. Local, service, secteur où travaillent des ouvriers en usine ; ensemble des ouvriers qui y travaillent : Chef d'atelier.
3. Groupe de travail constitué autour d'une activité, d'un thème, etc., en particulier dans le domaine de l'enseignement, d'un congrès scientifique, etc.
4. Ensemble des collaborateurs, aides ou élèves d'un artiste ; unité d'enseignement, ensemble des élèves d'un même maître dans une école d'art, une académie.
5. Nom générique des groupements maçonniques (loges, chapitres, conseil, aréopages, etc.).
La définition 3 serait ainsi la plus proche de ce qui peut être entendue par « atelier d’art-thérapie ».
Cependant pouvons-nous vraiment parler de groupe de travail ?
Si l’art-thérapie est perçue comme une proposition de thèmes ou une activité où des personnes peuvent effectuer une tâche artistique, sans mesurer les enjeux des dispositifs art-thérapeutiques, alors il y a dans cette dénomination comme un appel à faire, comme si l’art-thérapie se devait d’être un temps pour faire ou produire quelque chose. À mon sens, cela renverrait davantage à une médiation artistique avec des effets thérapeutiques.
Mais l’art-thérapie n'est-elle qu'une simple activité avec une médiation spécifique ? Est-elle un espace pour faire ? Pour créer ? Pour montrer ? Ne peut-on pas envisager l’art-thérapie comme un moyen de relancer le processus de créativité, sans qu’une trace soit forcément laissée ? Et que fait-on du rôle de l'art-thérapeute ?
Dans la première définition du Larousse, elle rappelle la place du local (où on peut entendre le local comme l’espace d’art-thérapie) où l’on travaillerait pour son plaisir.
Alors même si, sous bien des aspects, l’art-thérapie peut revêtir une possibilité de « prendre du plaisir », c’est avant tout un espace où la souffrance s’exprime par l’art. Où l’inconscient du sujet peut s’autoriser pendant un temps privilégié à déposer et à décharger, entre autres choses, le trop plein émotionnel. C’est un temps hors du temps pour que le sujet, dans le travail thérapeutique avec l’art-thérapeute, puisse avoir des prises de conscience et réussir parfois à dépasser sa souffrance. On parlera alors de conglomérat transférentiel que représente la relation art-thérapeutique.
Redonnons maintenant la définition de « séance », toujours selon le Larousse :
1. Réunion des membres d'une assemblée qui délibèrent ou travaillent ensemble ; durée de cette réunion : Une séance de l'Académie.
2. Intervalle de temps consacré à une activité, un traitement, etc., et qui peut être répété ; contenu de ce temps : Une séance de travail.
3. Chacune des projections du programme d'un cinéma : La séance est à 14 heures.
Intéressons-nous d’un peu plus près à la définition numéro 2 : intervalle de temps consacré à une activité… un traitement. L’art-thérapeute étant un paramédical, n’est-il pas plus judicieux d’intégrer toute la dimension de soin et de santé de l’art-thérapie, par l’appellation de séance ?
Quand un sujet s’inscrit dans la relation thérapeutique, le fait-il avec une médiation artistique ou avec le thérapeute ? Parlons-nous de « séance de psychothérapie » ou d’ « atelier de psychothérapie » ? Entendons-nous parler de « séance de psy » ou d’« atelier de psy » ?
Alors les séances d’art-thérapie deviennent plus évidentes, dans le sens même de ce que représente l’art-thérapie.
Les mots ont une portée symbolique et ne se réfèrent pas à la même chose au niveau inconscient. D’où l’importance, me semble-t-il, d’être précis dans la définition que l’on transmet concernant l’art-thérapie.
Si l’art-thérapie est bien un soin parmi d’autres, dans la prise en charge d’un patient et dans le cadre d’un parcours de soin comme cela existe déjà (cf. les EPSM, Ehpad ou encore institutions psychiatriques, etc… qui emploient des art-thérapeutes) alors vous conviendrez qu’on ne peut plus faire l’impasse sur l’importance de remettre à sa juste place l’art-thérapie.
Si nous pensons l’art-thérapie comme un moyen de travailler avec des effets thérapeutiques, alors usons du terme « atelier ». Mais si nous considérons cette discipline dans le cadre d’un processus thérapeutique, alors la « séance » d’art-thérapie prend tout son sens, qu’elle soit individuelle ou groupale.
Zoran Bouazri
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* Fiche métier : https://candidat.pole-emploi.fr/marche-du-travail/fichemetierrome?codeMetier=11148&codeZoneGeographique=04&typeZoneGeographique=DEPARTEMENT.)
** Article Pôle Emploi : "Art-thérapie : quand l'art est au service du soin" : https://www.pole-emploi.fr/actualites/bien-dans-mon-quotidien/art-therapie-quand-lart-est-au-s.html)
